Les loyers des baux commerciaux à l'épreuve de la crise sanitaire due au COVID-19
Dans "Questions sur l'Encyclopédie", Voltaire analyse que "l'homme n'est né avec aucun principe, mais avec la faculté de les recevoir tous...Son tempérament le rendra plus enclin à la cruauté ou à la douceur...Son entendement lui fera comprendre un jour qu'il ne faut pas faire aux autres ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fît".
Le bailleur anxieux face à la crise sanitaire liée au COVID - 19 craint pour son loyer tout autant que pour son entreprise.
Bien souvent propriétaire des locaux qu'il loue à d'autres entrepreneurs, il n'apprécierait pas que ses locataires ne lui payent pas son dû...Paiement de loyers que la majeure partie des petites entreprises locataires sont dans l'incapacité d'assumer en l'état actuel des événements, face à l'obligation de confinement et les fermetures qu'ils engendrent, la rupture d'approvisionnement, l'obligation d'accepter le chômage partiel ou la maladie.
De bonne foi, ces entreprises ne souhaitent pas infliger à leur bailleur ce qu'elles ne voudraient pas qu'on leur impose...
Que dit l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures) pour les baux commerciaux ?
Elle ne concerne les contrats qu'accessoirement, mais oblige à la continuité de leur exécution.
D'une part effectivement, si l’article 1er de ce texte précise que ses dispositions sont applicables « aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire », cette « période juridiquement protégée » ne concerne théoriquement pas les obligations contractuelles, donc les baux commerciaux.
D'autre part, l’article 2 de l’ordonnance édicte, en effet, que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
Il ajoute qu’« Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit ».
Seuls les délais et les mesures « prescrits par la loi ou le règlement » sont ainsi concernés : une interprétation a contrario de l’article 2 de l’ordonnance conduit à exclure les obligations contractuelles.
D'ailleurs, le Président de la République a laissé entendre que, par principe, les échéances conventionnelles ont toujours «force de loi à l’égard de ceux qui les ont faites ».
En fait, l'ordonnance suspend seulement le cours de certaines clauses sanctionnant l’inexécution du contrat.
Si les obligations contractuelles perdurent, l’ordonnance neutralise certaines clauses sanctionnant le retard ou l’inexécution de la prestation dans les délais. Ainsi, les clauses pénales, les clauses résolutoires ou les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées « ne pas avoir pris cours » dès lors que le délai a expiré pendant la période protégée.
L’ordonnance n° 2020-306 est bicéphale : certaines clauses comminatoires ou sanctionnatrices sont paralysées durant la crise, alors que les échéances et obligations contractuelles continuent à s'appliquer.
Théoriquement, l'entreprise doit donc continuer à payer son loyer. Dès lors, comment en reporter le règlement lorsque sa trésorerie est en passe de basculer dans la cessation des paiements ?
Seul un cas de force majeure avérée et démontrée pourra permettre d'éviter la sanction de la résolution ou de la résiliation judicaire du contrat de bail commercial, nonobstant les indemnités dues en raison de cette inexécution.
Suivant le discours du ministre Bruno LE MAIRE, prononcé le 28 février 2020, "l'Etat considère le coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises".
Toutefois, il ne faut pas se méprendre et penser que la crise sanitaire majeure dans laquelle le pays est plongé depuis le 16 mars 2020 constituerait en elle-même un cas de force majeure : en effet, une telle appréciation ministérielle ne lie pas le juge, qui doit apprécier concrètement, au cas par cas, de la réalité des circonstances de l'entreprise concernée.
Comme en matière de catastrophes naturelles, la jurisprudence nous permet de penser que les affaires judiciaires à venir seront appréciées in concerto : la Cour de Cassation a infirmé la décision de la cour d’appel qui a déduit de la simple constatation administrative de l’état de catastrophe naturelle donnée à des inondations, la conséquence nécessaire que cet événement avait, dans les rapports contractuels, le caractère de force majeure (Cass. civ. 3, 10 décembre 2002, n° 01-12.851; Bull. civ. III, n° 256).
L'entreprise fait face à une situation d'anomalie contre laquelle elle devra lutter pour survivre. D'autres mécanismes pourraient être employés, comme la renégociation du contrat de bail commercial. Encore faudrait-il que le bailleur soit d'accord...
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